Même si les origines du design industriel, qui n’utilisait pas encore cette dénomination, puisent leurs racines au début de la révolution industrielle, une des success stories qui propulsa l’esthétique industrielle sur le devant de la scène, fût le célèbre projet de l’entreprise Gestetner réalisé par le jeune Raymond Loewy . En pleine crise de 1929, Sigmund Gestetner, fabricant anglais de machines pour la reproduction de textes et pour lequel l’Amérique constitue un très important marché, voit ses ventes fortement chuter. Sa machine date de 1908 et aucun souci de plaire n’avait inspiré son inventeur. En quelques jours, Raymond Loewy lui imagine un nouvel aspect. C’est un succès total : la « Gestetner » conservera le même aspect jusqu’en 1968. Aussi, de là à s’interroger sur la place et le rôle actif que peut jouer le design dans une société à nouveau touchée par la récession économique , il n’y avait qu’un pas !
Le design comme activité de support à l’innovation et à l’industrie
Durant toute la période du 20ème siècle, le design a été essentiellement entrevu sous un angle « cosmétique », venant compléter, valoriser, révéler une approche technophile de l’innovation. Toutes les expériences ne se sont bien sûr pas résumées à des opérations de surface. Cependant, peu d’entreprises ont intégré une démarche de design à un niveau dépassant celui du produit, pour l’amener au cœur de leur stratégie. Aussi aux réflexions de fond, ont souvent été préférées des solutions plus court-termiste, favorisant la mise sur le marché d’une profusion d’équipements, certes différents visuellement, mais globalement basés sur les mêmes usages et services.
Vilém Flusser, philosophe tchèque , souligne qu’autrefois l’action réalisée par un individu avec un objet (ex : poignarder avec un couteau) engageait la responsabilité de cet individu et non celle du designer du couteau ou de l’industriel. Ainsi à l’abondance de biens produits et à la maîtrise de leur obsolescence, le designer (et l’entreprise bien sûr) doivent aujourd’hui prendre la pleine responsabilité de leurs actions et décisions.
Si la recette ne peut plus être la même, le cadre et l’espace d’expression laissé au design non plus. L’approche doit elle même évoluer non pas vers une action court terme (maintenir l’activité), mais bien à moyen terme (pérenniser l’activité) et surtout à long terme, soit développer l’activité dans une logique de responsabilité sociétale et environnementale.
Un changement de paradigme
Depuis 2008, l’activité dans les pays dit « industrialisés » s’est contractée pour aboutir à une baisse significative des actions de recherche et d’exploration.
Selon Marc Giget, docteur en économie, l’innovation et la crise sont deux concepts interdépendants. D’une part, l’innovation s’est toujours mise en place suite à des périodes très complexes et d’autre part, les crises successives ayant affectées le monde occidental ont réellement été des éléments déclencheurs. C’est toujours dans ces « ères » que les connaissances scientifiques, artistiques, politiques, religieuses naissent. Ainsi, « 80% des idées de demain seront émises par des initiatives individuelles motivées par le besoin, la créativité ou le hasard ». L’heure est donc à la réflexion en groupe autour d’un problème à résoudre. Tout doit être mis en œuvre pour créer des conditions stimulant cette créativité perpétuelle qui permet de viser un résultat .
La notion même d’innovation est en train d’évoluer en passant d’une vision historiquement technologique, à celle de l’usage, du modèle économique. Le design est une approche anthropocentrée visant la réponse aux besoins/attentes de l’usager : non pas le « proposer plus » mais le « proposer mieux ».
Du design « pour » au design « avec » voir design « par » !
Si la crise économique de 1929 a permis à l’industrie de véritablement muter, celle de 2008 aura pour conséquences la remise en question des produits, des systèmes d’informations et des méthodes de management. Cela se traduira dans les modes de collaboration, comme le précise Jérémy Rifkin dans son essai sur la 3ème révolution industrielle. Au mode de travail par domaines d’expertises, est préférée une approche ouverte via une diversité d’acteurs (comme l’open innovation), venant habilement mêler l’interne, l’externe et les ressources humaines.
Le design est une réflexion holistique (appréhender un problème sous toutes ses dimensions: émotionnelles, économiques, techniques, culturelles, sociales …) aussi agile à passer du produit, au service, à la stratégie qu ‘au business modèle. Le design a donc toute sa place pour identifier, révéler, faire naître de nouvelles idées issues d’une si grande diversité d’acteurs. La créativité peut être partout !
Du dessin au dessein
Du latin « designare » le terme même de design ne porte t’il pas dans ses gênes étymologiques la notion de représentation, le dessin, illustré ci-dessus par le projet Gestetner de 1929, et le dessein, projection nécessaire à toute stratégie?
http://www.gestetner.com/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Raymond_Loewy